Une paroisse ancrée dans l’Histoire
Guidel est une paroisse « primitive » dont les origines remontent probablement au début de l’immigration bretonne, aux 5ème et 6ème siècles, et plus précisément à l’implantation des moines et d’une colonie en provenance d’Irlande. Au 10ème siècle, elle devint le centre religieux de la grande seigneurie de Kémenet-Héboé (ou des bois) et, au 13ème, le siège de son doyenné qui rassemblait 23 paroisses.
En 1387, au synode de la Saint-Luc, Guidel est citée de façon peu banale : en effet, toutes les paroisses devaient payer au chapitre de la cathédrale de Vannes des droits censaux et questaux « comme un hommage des églises secondaires à l’église mère ». Cette redevance, en argent ou en nature, intervenait une fois l’an, au synode de la Pentecôte. Or, certains recteurs « oubliaient » de payer ces contributions. C’est pourquoi le chapitre décida d’en réclamer le règlement juridiquement, c’est-à-dire par l’intermédiaire de l’official, sous peine d’excommunication en cas de non-exécution.
La liste complète des paroisses de Vannes est alors dressée et Guidel apparaît pour la somme de 35 sous. (A titre de comparaison, la perrée de grains valait alors 5 sous). Avec Pluvigner et Grand-Champ, Guidel était la paroisse la plus taxée, ce qui montre bien son importance. En 1502, Guidel est à nouveau citée pour devoir verser une rente de 70 livres « de bonne et forte monnaie de Bretagne » pour la création d’une archiprêtrise en la cathédrale de Vannes. L’archiprêtre était le président du « bas chœur ». Il entonnait les offices et chantait les messes du jour et des défunts. Le paiement de ce droit par la paroisse a subsisté jusqu’à la Révolution. L’évêque de Vannes était alors Monseigneur Laurent Cibo, cardinal de Bénévent, neveu du pape Alexandre VI, nommé contre le bon vouloir d’Anne de Bretagne. Il ne vint jamais à Vannes et délégua ses pouvoirs à Jean de Gallice, vicaire général.
Nous ne pouvons suivre la paroisse au fil du temps. Mais certaines anecdotes la relient à l’Histoire. Ainsi, en 1746, alors que la guerre opposait la France aux Anglo-Hollandais, les Anglais débarquèrent en Bretagne, le 1er octobre. Ce n’était, du reste, qu’une diversion car, le 10 octobre, ils repartaient après toutefois avoir détruit les installations du port de Lorient. A Guidel, le brigadier général O’Farrell s’installa avec ses officiers au presbytère qui fut, en pleine nuit, investi par une troupe de six cent paysans armés de fourches et de faux. Les Anglais se réfugièrent dans l’église, y entraînant le recteur Pierre Bouézo du Rongouet, sans savoir qu’ils sauvaient ainsi l’édifice. En effet, les paysans avaient décidé de l’incendier mais y renoncèrent en apprenant l’identité de l’otage.
A la Révolution nous trouvons, comme partout ailleurs, des prêtres guillotinés, assassinés, emprisonnés , des prêtres cachés ou émigrés et des prêtres constitutionnels. Mais le cas le plus tragique fut celui de Laurent Le Floch, né à Guidel en 1762. Par timidité ou naïveté, il prêta serment et entra dans l’Eglise constitutionnelle. Il y restera deux ans et quatre mois mais, rongé de remords, il refusera le serment de Liberté-Egalité d’avril 1793. Se cacha-t-il ? Emigra-t-il ? l’histoire ne le dit pas, mais l’on sait qu’il déposa à la municipalité de sa paroisse une rétractation officielle en 1795. Puis il se présenta à un poste de soldats établi à Guidel en expliquant « Je suis un prêtre réfractaire, arrêtez-moi. Je demande à être conduit à la prison où se trouvent les prêtres insermentés. » Il est condamné à mort comme rebelle aux lois. Sur le chemin de l’échafaud, le 22 mars 1796, il essaie de s’enfuir mais, rattrapé à l’entrée de la rue de la Boucherie ( !), il est transpercé de coups de baïonnette. On dut le traîner pour lui appliquer la sentence de la guillotine.
Une église à l’histoire mouvementée
L’ancienne église devait être de plusieurs époques dont il existe peu de documents. Dégradée pendant la Révolution, elle fut sommairement restaurée en 1812 puis totalement reconstruite à partir de 1838 avec un agrandissement du chœur en 1880 et la création de deux chapelles et de deux sacristies (de chaque côté du chœur) et du déambulatoire. Son clocher culminait alors à 56 mètres de haut.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands utilisent ses galeries comme poste d’observation. En février 1945, l’église n’a pu résister à la conjugaison des mines allemandes (placées dans le clocher) et des obus américains. Le bâtiment était inutilisable. La chute du clocher avait écrasé le tiers de la toiture et des murs ; la tribune et les quatre cloches gisaient sous les décombres. Presque tout le mobilier fut endommagé. De décembre 1945 à juin 1946, deux prisonniers allemands restaurèrent l’orgue.
Dans la nuit du 16 au 17 octobre 1948, l’église, à peine restaurée, fut victime d’un violent incendie dû à un court-circuit. Malgré l’intervention des pompiers de Guidel et de Lorient, les dégâts sont importants. En moins de deux heures, le toit brûla entièrement ainsi que pratiquement tout le mobilier ; orgue et boiseries épargnées en 1945 n’y résistèrent pas. Ce n’est que le 24 mars 1951 que la réouverture de l’église au culte a enfin lieu. Le 15 septembre 1960, après des lenteurs et des interruptions importantes, l’ensemble des travaux de l’église et du clocher qui culmine à 48 mètres est terminé. Malgré le souhait exprimé par la commission diocésaine, la flèche est édifiée en ciment en raison de l’insuffisance des ressources allouées par l’état, la créance pour dommages de guerre étant largement dépassée.
C’est en 1995 que l’actuelle porte nord est percée. On y entre par les anciens fonts-baptismaux. Aujourd’hui, la commune, propriétaire légal du bâtiment, a le souci de l’entretenir. En 2009, son chœur a été embelli d’un nouvel autel en bois de sycomore et d’un parquet neuf. Datant de l’après-guerre, trois des quatre cloches ont été restaurées. Jeanne-Joséphine, Gabrielle-Françoise et Jeanne-Françoise ont le 22 octobre 2018 retrouvé leur place dans le clocher de l’église.